vendredi 20 mai 2011

Les questions épistémologiques de la recherche en Ingénierie des Connaissances



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Qu'est-ce qu'une contribution scientifique en Ingénierie des Connaissances?
Je prends cette question comme « qu’est-ce qu’une contribution prototypique de l’IC ? » Sachant qu’il y a toujours des cas particuliers comme les méta-contributions : les contributions qui parlent de l’IC (ex. Bachimont, 2004) ou qui parlent des contributions à l’IC (exemples trop rares : les comparatifs).

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Une contribution typique de l’IC est transdisciplinaire et ne cherche pas forcément à faire une contribution dans les disciplines qu’elle mobilise, mais plus typiquement à articuler des résultats de plusieurs disciplines, à revisiter, critiquer ou assoir des résultats d’une discipline à la lumière des théories d’une autre, etc. Si elle contribue à une discipline particulière c’est typiquement par fertilisation croisée ou par retour d’expérience sur les usages.


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En particulier une contribution à l’IC va s’intéresser à marier sciences humaines et sciences formelles et notamment, à investir en fond théorique issu des sciences humaines des modèles ou méta-modèles issus des sciences formelles, à en piloter le choix ou l’évolution et en IC on s’intéressera en particulier : à des modèles ou méta-modèles d’inscription de connaissances et de traitement de connaissances et aux sciences formelles et sciences du numérique, notamment avec la préoccupation d’identifier des modèles informatiquement opérationnalisables.

Une contribution typique à l’IC cherchera donc une fertilisation croisée entre les sciences humaines, sciences formelles et les sciences du numérique et non une contribution dans une discipline singulière.


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Un certain nombre de disciplines mobilisées par l’IC ont une culture de sciences expérimentales où les modèles sont souvent explicatif, génératifs au sens de la simulation. Un des apports que j’attends d’une contribution à l’IC est l'articulation inter disciplinaire qui consiste à passer de tels modèles à des modèles prescriptifs et des modèles opérationnels et donc à passer de l’analyse, de l’explication à la spécification et la conception.


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Pour moi un corolaire important de la recherche active de fertilisation croisée est ce que j’appellerais le devoir de vulgarisation interdisciplinaire i.e. il ne s’agit pas seulement d’établir une contribution transdisciplinaire, il s’agit de la communiquer aux disciplines mobilisées en premier lieu et plus généralement à l’ensemble de la communauté IC. La vulgarisation est nécessaire notamment pour éviter un dos à dos disciplinaire, ces situations que certains d’entre nous ont vécues où en lieu et place d’une transdisciplinarité voulue nous avons des experts de disciplines qui se regardent en chiens de faïence. Il y a pour moi un enjeu important de faire percoler une problématique ou une évolution d’un domaine à l’autre, et une contribution à l’IC se doit donc de faire un triple exercice de mobilisation de résultats mono-disciplinaires spécifiques, d’articulation transdisciplinaire et de vulgarisation interdisciplinaire.


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Un point particulier qui me tient à cœur dans la notion de publication c’est ce que change aussi la présence du web.  Un point important qu’ont changé le web, le web de données et le web sémantique c’est la publication des données et modèles non confidentiels d’une contribution ; pour moi il ne s’agit plus maintenant uniquement de décrire et documenter nos modèles et leur logique de conception dans des articles, mais aussi de les publier en ligne dans des formalismes standardisés. La communauté IC produit des représentations de connaissances, produit systèmes à base de connaissances, etc. et à l’heure du web contribuer à IC devrait aussi souvent que possible se traduire aussi par une contribution au web en mettant modèles, données et outils en ligne.


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Enfin on peut aussi se demander ce que pourrait être une contribution à IC demain ? Nous avons tous des desiderata sur ce point je pense, mais personnellement j’aimerais voir des sujets, disciplines  et courants plus présents à IC par exemple : ou la question des bases épistémiques d’une nouvelle législation (ex. réflexion sur la propriété dans un monde de ressources non concourantes), l’évolution de l’éducation face à la disparition du besoin de mémoire, le droit à l’oubli dans un monde hypermnésique, plus d’opérationnalisations des courants philosophiques autres que ceux qui ont déjà percolé, le courant « human-based computing » que je n’ai pas su traduire de façon satisfaisante mais qui a beaucoup de résonnance avec certaines questions d’usage en IC, etc.

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Quelles sont les méthodes pour produire des connaissances en IC ?


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Méthodes centrées usages : sous l’influence d’Alain Giboin, notre équipe utilise souvent des approches comme l’analyse par scénarios et personas, mais ce pourrait-être de l’analyse de processus, etc.


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(1) Faire un état des lieux actuels : scénario a priori.
Identifier si une situation rencontrée relève d’un problème épistémique : il faut d’abord savoir si notre intervention est pertinente, établir si une situation est de notre ressort etc. Typiquement nos scénarios s’intéresse à concevoir, étudier, modifier un système épistémique numérique sous au moins deux angles disciplinaires différents.


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(2) Faire une projection : scénario à postériori
Cette deuxième étape s’adosse à la construction d’un état de l’art. On vérifie aussi si on est dans un cas où la modélisation et le traitement sont difficilement identifiables i.e. la modélisation est un verrou, le modèle n’est pas immédiat. Il s’agit aussi là d’investir en fond théorique par exemple de décider de s’appuyer sur le paradigme de l’épistémologie sociale pour proposer un prisme à travers lequel on va non seulement expliquer la situation mais aussi expliquer les changements envisagés et justifier qu’ils vont bien mener aux effets escomptés.  

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(3) Proposer une opérationnalisation (c’est en quelque sorte le propre de la nature ingénierique de l’IC) ; Il s’agit notamment dans cette phase d’identifier, comparer, sélectionner des outils formels utilisables ou adaptables à l’évaluation, la validation, l’application de la lecture et de l’intervention envisagés dans le paradigme précédemment fixé.
Et la première validation qui sera faite du point de vue de l’IC c’est le déroulé du scénario à postériori pour évaluer son effectivité en contexte et en usage.

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Comment valide-t-on une connaissance produite ?
Je commencerais par dépiler les critères que l’on trouve classiquement dans une grille de relecture:


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Qualité technique ou profondeur : quel couplage interdisciplinaire est envisagé et surtout pourquoi ? Les résultats et théories mobilisés sont-ils justifiés dans leurs choix, dans leur adéquation, dans leur applicabilité, etc.? La logique de conception est-elle capturée, expliquée et argumentée notamment en référence aux théories mobilisées? C’est un point particulièrement important puisque c’est là que se concrétise la transdisciplinarité de l’IC.


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Originalité et Etat de l’Art : états de l’art mono-disciplinaires mais aussi et surtout quels ont été les couplages transdisciplinaires précédents dans la littérature et pourquoi en envisager un nouveau. Puisque l’une des particularités de l’IC réside dans ces couplages, il faut positionner et motiver un nouveau couplage.


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Adéquation à la conférence: est-ce une contribution mono-disciplinaire ? la contribution est-elle accessible à un publique de non-initiés ? A-t-on un enjeu épistémique ? Y-a-il instrumentation d’une tâche cognitive et étude des inscriptions épistémiques impliquées dans cette tâche ? Ainsi, l’étude de complexité d’un fragment de logique n’est pas forcément très à sa place à IC s’il n’est pas relié à un usage.


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Présentation, forme : outre les critères classiques, j’inclue ici le critère de vulgarisation interdisciplinaire c'est-à-dire : l’articulation interdisciplinaire est-elle expliquée de façon à la rendre accessible à l’ensemble de la communauté ? Si je dois avoir lu Kant, Deleuze, Rastier, Wittgenstein et Pierce avant de pouvoir comprendre l’article je ne suis pas non plus certain que l’article soit à sa place à IC.


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Validation verticale et horizontale :


Validation verticale : la modification, l’évolution, l’adaptation, l’extension et de façon générale toute contribution à une discipline mobilisée par un travail de l’IC doit être évaluée par les méthodes de cette discipline. Cette évaluation n’est pas forcément exhaustivement incluse ou détaillée dans une contribution à IC elle peut être référencée. L’évaluation peut-être formelle, expérimentale, etc.

Validation horizontale : conceptuelle, quantitative et qualitative. Mais aussi au besoin aller chercher d’autres métriques ex. Khaled Khelif doctorant de Rose Dieng-Kuntz lorsqu’il travaillait sur l’extraction de connaissances sur des comptes-rendus d’expériences sur puces à ADN avait non seulement utilisé les sempiternels rappel et précision mais aussi une mesure d’utilité qui capturait le gain perçu par l’utilisateur.


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Enfin, quelques points particuliers sur lesquels je vais mettre un coup de projecteur, plus par affinité personnelle que par rapport à une importance relative :

 La contribution est-elle constructive ? Avoir une lecture critique est important et une contribution en soi que j’apprécie, mais si on me demande de lâcher une prise il faut que l’on m’en propose une autre sinon je tombe. En d’autres termes, parce qu’il y a un objectif d’ingénierie, de conception ou à minima de spécification je ne peux pas seulement constater les limites d’une approche je dois aussi pouvoir identifier des alternatives opérationnalisables. Bachimont disait que nous sommes des bricoleurs. Je veux bien que l’on fasse table rase sur mon établi à condition que l’on me donne au moins des pistes pour mes prochains outils.


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Le Web a-t-il ou aurait-il pu être exploité d’une façon ou d’une autre dans la contribution ? (1) Le web est devenu un système d’information ubiquitaire et il est de notre devoir de nous assurer que cette ressource qui est maintenant systématiquement inscrite à notre paysage n’est pas ignorée. Dès lors que l’on s’intéresse à un système d’information le web est un point fixe de l’état de l’art et, même s’il n’est pas utilisable dans le scénario considéré, le positionnement doit être fait et motivé. (2) Les résultats publiables sur le web l’ont-ils été notamment les modèles et les données non confidentiels et pouvant être réutilisés par d’autres ? Non seulement pour promouvoir leur réutilisation et l’interopérabilité mais aussi pour permettre de répéter l’expérience et de construire des comparatifs, activités essentielles dans la progression des résultats scientifiques.


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